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J’ai failli ne pas être hôtesse à cause de ma taille 42.

J'ai mis 10 ans à comprendre que je n'étais pas le problème.

Il y en a des moments où je pourrais vous raconter comment certaines phrases ont pu complètement foutre en l’air mon rapport au corps. Mais cette histoire, c’est vraiment une pépite à mes yeux.


Quand je vivais dans le nord, tout était 10 fois plus simple. La semaine je partais en cours sur Lille, et le week end je bossais en tant que surveillante dans un musée (méga bon plan d’ailleurs, car avec 10 visiteurs à la journée, autant vous dire que j’ai principalement révisé mes partiels en étant payée par la mairie !). Sauf qu’un jour, j’ai décidé de me secouer un peu et de partir vivre dans la grande ville, celle qui va vite et qui me terrifiait énormément.


Franchement, je vous laisse imaginer la tête de ma mère quand je lui ai dit que j’avais préféré marcher 3h30 dans la capitale pour me rendre à mon entretien de l’école, plutôt que de prendre le métro car j’étais complètement paniquée.


Bref, nouvelle vie, nouvelle ville et j’ai bien dû quitter mon petit musée (dans lequel je traînais littéralement depuis une dizaine d’année, c’était un peu la maison). Après 2 ans à faire le piquet dans un musée, je me suis dit que je pouvais tout à faire le faire pour des agences événementielles sur Paris, de façon plus ponctuelle. En plus, j’étais en Licence EVENT, j’étais donc bien contente à l’idée de commencer à mettre un pied dedans (même si pour ça je devais porter des talons de 8 cm alors que je passe ma vie en basket).


Je décroche assez vite un entretien dans une agence d’hôtesse assez connue. L’entretien téléphonique se passe hyper bien, j’ai de l’expérience même si je n’ai que 21 ans, j’ai vite rendez-vous pour venir les rencontrer et faire … un premier essayage (vous aussi, vous voyez venir la douille ?). J’arrive dans un bureau bondé d’autres filles et on m’amène vite dans un gigantesque dressing regorgeant de tailleurs en tout genre. J’enlève mon manteau (assez grand et large, j’aimais beaucoup me cacher à l’époque), elle me regarde et me dit de la façon la plus simple possible “je ne crois pas que ça va passer”. Je lui demande qu’est-ce qu’il ne va pas passer ? Elle me répond toujours de façon aussi naturelle “tes cuisses dans le pantalon, là j’aurais rien pour toi c’est mort”.


Super. 42 c’est la taille moyenne de la femme française. Je viens pour être hôtesse pas mannequin. Je viens pour accompagner des entreprises à guider leurs clients, m’occuper de leurs vestiaires, je ne suis pas une plante.


Finalement, on m’a donné une jupe. Dans laquelle j’étais saucissonnée, ce n’était pas élégant, mais ça “rentrait”. Durant cette année, j’ai plongé dans l’anorexie, j’ai perdu 15 kilos en quelques semaines. Je rentrais dans tous leurs p*tain de pantalon, mais à quel prix ?

Et j’imagine qu’on peut mettre le sujet de l’apparence sur la table pour bien des métiers … Pas difficile d’avouer que l’on a déjà eu le réflexe de dire « hum, lui, il a bien une tête d’avocat ». Mais ça veut dire quoi, avoir la tête de l’emploi ? Et pire, est-ce que finalement nos têtes ne nous fermeraient pas des portes au contraire ? J’ai lu un article et une phrase m’a fait me questionner encore plus sur la valeur de notre physique : « Il y a des gens qui cessent d’étudier parce qu’ils sont intimidés à cause de leur image. Qui s’excluent de certains domaines d’études comme le droit. Ça change leur parcours de vie, leurs perspectives économiques. C’est une part importante de ce qui dirige notre vie. » - Kareen Martel. Et si on en parlait de cette inégalité ? 🤔 L’apparence est le facteur de discrimination le plus fréquemment observé au travail par les Français qui ont été témoins de discrimination ou de harcèlement.* Ça date de 2001, et le culte de l’apparence & les réseaux sociaux n’ont pas dû aider, bien au contraire … 😩 Notre physique, une inégalité bien dissimulée qu’on est pourtant obligés de montrer au monde entier …


Aujourd’hui, si je revoyais cette dame, je lui dirais que c’est son pantalon qui ne rentre pas dans les normes, pas mes cuisses.


Et ça, j’ai mis 10 ans à le comprendre. Un pas après l’autre, parce que c’est un chemin long, mais qui vaut toute la patience du monde. 🫶🏼



Prenez soin de vous,


Pauline

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